Un massif karstique doit être perçu comme un vaste système intégrant l'ensemble des circulations drainées par l'aquifère et mettant en relation la faune des cavités et la faune des fissures. Pour définir le biotope des formes souterraines, il faut donc prendre en considération l'ensemble de cet "écosystème karstique" qui inclut l'aquifère karstique circonscrit par son bassin hydrogéologique.
Cette notion a une importante application pratique dans les études d'incidence sur le milieu souterrain. En effet, elle permet de définir la surface drainée par l'eau finalement souterraine, autrement dit le champ de collecte des polluants, qui est considérablement plus vaste que la zone d'absorption directe surplombant les cavernes.
Les organismes peuplant les cavités karstiques et les eaux souterraines ne sont pas distribués au hasard. Ils s'organisent en peuplements structurés répondant à un certain nombre de contraintes écologiques. C'est ainsi que pour la faune et la flore "terrestres" colonisant les cavités d'un massif karstique, on distinguera des associations typiques de la zone d'entrée des cavités, encore largement éclairée, ou de la zone de pénombre ou encore de la zone profonde où règne en permanence l'obscurité totale, une température stable et une humidité très élevée. On distinguera aussi des associations "pariétales" (vivant sur les parois), des associations liées aux dépôts limoneux, ou encore des associations liées aux matières organiques (tel le bois pourrissant) introduites dans les cavités lors des crues.
Dans les aquifères karstiques, le schéma directeur de l'organisation des biocénoses aquatiques et de leur écologie est la distinction fondamentale des hydrogéologues entre zone d'infiltration, zone de transfert et zone noyée (voir chapitre 5.2). La faune aquatique se répartit en fonction de l'organisation des écoulements. On a pu, par exemple, mettre en évidence une richesse en espèces croissante depuis la partie supérieure d'un réseau karstique jusqu'au niveau de base du système. C'est donc la zone noyée qui présente incontestablement la plus grande abondance et la plus grande diversité de peuplements.
Mise à part une faible production organique in situ par les bactéries autotrophes, la faune souterraine est totalement dépendante de la surface pour ses ressources énergétiques. Les réseaux de fissures, par où les eaux d'infiltration apportent matière organique ou organismes vivants, alimentent en continu les communautés souterraines. On a d'ailleurs observé une localisation préférentielle des peuplements cavernicoles dans les zones présentant des fentes ouvertes ou des éboulis ou encore dans les zones concrétionnées. D'autre part, les crues, en particulier par les réseaux de galeries, fournissent des apports organiques extrêmement importants.
Ces apports de crues peuvent avoir, d'autre part, un effet inducteur sur le cycle reproducteur des organismes hypogés. L'écologie et la biologie de la faune souterraine sont donc très liées au fonctionnement hydrodynamique des aquifères karstiques.
Claude DE BROYER